mercredi 3 avril 2024

Cocaïne : des effets progressifs, mais irréversibles jusqu’à devoir reconstruire complètement le nez

© Mélanie Joris

25 mars 2024 à 05:49

Par Mélanie Joris du service judiciaire -RTBF Actus

Les conséquences du trafic de cocaïne sont de plus en plus visibles. Depuis le début de l’année, huit fusillades ont éclaté dans différentes communes bruxelloises. Une autre facette de ce trafic est également de plus en plus visible. Pour s’en rendre compte, il faut aller dans les consultations ORL. Depuis la fin du confinement, de plus en plus de personnes viennent avec des graves lésions dans le nez. Parfois, il faut aller jusqu’à une reconstruction complète.

En consultation, Philippe Lefèbvre, chef du service ORL au CHU de Liège, reçoit de plus en plus souvent des patients qui viennent pour une obstruction nasale : "Ces patients me disent qu’ils ont le nez bouché. Quand je les examine, le diagnostic est vite fait. Ces croûtes et ces lésions de la cloison nasale sont typiques d’une consommation de cocaïne". Alors le médecin avance rapidement cette question : "Est-ce que vous consommez beaucoup ?".

Chez ce médecin, le profil des patients est souvent similaire. Philippe Lefèbvre : "Ce sont des patients relativement jeunes, d’une petite quarantaine d’années avec des situations socio-économiques et socioprofessionnelles plutôt favorisées. Ce sont des cadres, des enseignants, des gens qui travaillent dans le milieu bancaire".

Des dégâts ravageurs

La cocaïne entraîne une vasoconstriction, les vaisseaux se contractent, le sang ne vient plus dans le nez et le tissu meurt. Cela provoque d’abord des petites perforations au niveau de la muqueuse puis du cartilage jusqu’à détruire l’ensemble de la cloison nasale. Docteur Sophie Tombu, médecin ORL au CHU de Liège : "Quand la perforation de la cloison est plus large, cela entraîne un affaissement de la pyramide nasale et cela va se voir de l’extérieur. Ce sont des patients qui ont des nez affaissés dans leur portion cartilagineuse, ce sont des nez avec une pointe qui est un peu en retrait".

Pour le professeur Lefèbvre, ces perforations sont de plus en plus importantes à cause d’un produit utilisé par les trafiquants de drogue : "La cocaïne est souvent coupée avec du Levamisole. C’est un médicament utilisé chez les vétérinaires comme vermifuge contre des parasites. Cette substance provoque des destructions phénoménales dans le nez".

Reconstruire le nez

Quand la cloison nasale est totalement détruite, les médecins peuvent proposer une rhinoplastie au patient, soit une reconstruction complète du nez. Pour ce faire, il faut du cartilage qui n’existe plus chez ce type de patient. Docteur Sophie Tombu : "Il faut réaliser une greffe costale, on va prélever un morceau de cartilage dans la côte du patient. On va ensuite le modeler pour reconstruire la pyramide nasale et reconstruire la fonction du nez pour que le patient puisse de nouveau respirer normalement".

Ce genre d’opération liée à la consommation de cocaïne n’est pas fréquente. Docteur Sophie Tombu : "Même si nous avons beaucoup de patients en consultation avec ce type de pathologie, le nombre d’opérations est restreint parce que l’arrêt de la cocaïne reste compliqué. Et c’est la condition sine qua non. Il faut que le patient ait arrêté de consommer depuis au moins six mois et que sa muqueuse ait cicatrisé".

La médecin poursuit : "Quand on en arrive à devoir faire une rhinoplastie, c’est toujours un échec. Cela signifie que le patient a consommé jusqu’à détruire sa pyramide nasale. Mais c’est aussi une réussite puisque cela signifie qu’il a arrêté toute consommation". 

D'après un récent rapport de Sciensano, la consommation de cocaïne a augmenté ces cinq dernières années. Un constat qui est donc bien visible dans les salles d'opération. 

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